Design Soutenable

La Conception Régénérative : concevoir avec, pour et par le vivant

25/06/2025

Les inspirations du design soutenable

La Conception Régénérative : concevoir avec, pour et par le vivant

Alors que 6 limites planétaires sont franchies sur 9, et que les inégalités sociales se creusent, il devient urgent de repenser notre façon de concevoir les produits que nous utilisons. Une nouvelle approche émerge : celle de la conception régénérative.

Cette semaine, nous avons assisté aux Lauriers de la Régénération, organisés par le collectif Nous Sommes Vivants, qui ont récompensé 25 entreprises pionnières. Voici ce que nous retenons de cette dynamique inspirante.

Régénérer plutôt que limiter : un nouveau cap pour le design et l’entreprise

La régénération, c’est offrir aux êtres vivants les conditions pour atteindre leur plein potentiel dans leur environnement. C’est une propriété intrinsèque du vivant : les sols, les forêts, les océans savent naturellement se réparer et se renouveler. S’en inspirer, c’est repenser la manière dont les organisations humaines interagissent avec leur environnement.

Une entreprise à visée régénérative ne se contente donc plus de réduire ses impacts négatifs : elle cherche à restaurer, revitaliser et renforcer les écosystèmes sociaux, économiques et naturels dans lesquels elle opère. Elle devient un acteur de transformation positive, en créant des produits ou services qui participent activement à la qualité de vie locale dans une logique coévolutive, où les humains, les non-humains et les territoires se renforcent mutuellement.

Les Lauriers de la Régénération 2025 : projets inspirants, territoires vivants

Les Lauriers de la Régénération mettent en lumière des entreprises engagées dans l’alimentation, le textile, le bâtiment, la cosmétique… Leurs projets ont en commun :

· Une utilité réelle pour les humains et les territoires

· Une contribution directe aux écosystèmes vivants

· La création d’externalités positives sur le long terme

· L’intégration des parties prenantes locales dans une logique de réciprocité

· Une capacité à inspirer de nouvelles normes industrielles et culturelles

Ces projets incarnent un autre modèle de développement : des chaînes de valeur régénératives, où chaque maillon produit de la valeur — non seulement économique, mais aussi écologique et sociale. Un exemple d’entreprise à visée régénérative pensé dans les moindres détails : l’Éco-Domaine La Fontaine Installé dans un ancien juvénat de 1896, ce domaine a su préserver sa vocation d’accueil et

de transmission tout en se réinventant de manière profondément régénérative. Le site a été repensé selon les principes de la permaculture, tant dans l’aménagement agricole que dans l’écoconception d’un hôtel 4 étoiles réalisé avec un cabinet d’architecture engagé et des matériaux biosourcés. L’énergie y est pensée en circuit court : panneaux photovoltaïques, chaudière à bois, récupération d’eau et création de mares ont permis d’atteindre une autonomie en eau et en chaleur. Sur 12 hectares, dont 3 500 m² de surfaces cultivées, le potager en permaculture alimente le restaurant en circuit court, tout en étant rentable économiquement. Le domaine produit aussi ses jus et ses vins sur place, dans une logique d’économie circulaire. En parallèle, des ateliers, des partages de savoir-faire et l’accueil d’une horticultrice en lancement renforcent la dynamique sociale du lieu. Ici, chaque choix vise à restaurer le vivant, créer de la résilience locale et transmettre des pratiques soutenables.

Vers une chaîne de valeur régénérative

Aujourd’hui, nombre d’activités économiques détruisent autant qu’elles créent : pollution, épuisement des ressources, délitement des liens sociaux, perte de biodiversité… Face à cela, la régénération propose de bâtir des chaînes de valeur co-bénéfiques, où :

· Chaque acteur devient partie prenante de la régénération

· Les relations locales s’appuient sur des bénéfices mutuels

· Le projet apporte des services socio-écosystémiques : fertilité des sols, filtration de l’eau, santé mentale, liens sociaux…

Ce que le design soutenable partage avec le design régénératif

À la d.school Paris, nous développons une approche de design soutenable qui partage plusieurs principes avec le design régénératif. Comme lui, il commence par questionner les fondamentaux :

· Ce que l’on conçoit est-il utile ?

· Quels sont ses impacts — positifs comme négatifs — sur les écosystèmes ?

· Quelles sont les interactions avec les parties prenantes humaines et non humaines, tout au long de la chaîne de valeur ? Où peut-on générer des synergies positive pour les humains et le reste du vivant ?

Ces deux approches visent à élargir la focale pour réintégrer le vivant. Le design soutenable s’appuie sur les méthodes du design thinking mais vient enrichir la démarche en intégrant des dimensions souvent négligées dans les prises de décisions en conception : biodiversité, conditions de travail, cohésion sociale… Là où l’analyse de cycle de vie (ACV) reste centrée sur des paramètres abiotiques (carbone, matière, énergie), le design soutenable réintègre le vivant dans les choix de conception.

Le design régénératif inspire directement cette posture : il nous pousse à penser en termes d’impacts positifs pour les humains et les non-humains, à imaginer des offres qui réparent, revitalisent et renforcent les territoires et les écosystèmes, plutôt qu’à simplement minimiser les dommages.

Conclusion : régénérer, c’est déjà en cours

Les Lauriers de la Régénération ne sont pas qu’un prix : ce sont une boussole pour une économie du vivant. Ils montrent que la régénération n’est pas une utopie, mais une pratique en développement, déjà à l’œuvre dans des organisations concrètes.

Pour les designers, innovateurs et décideurs, cela représente un nouveau cadre de projet : concevoir avec, pour et par le vivant — en croisant les enjeux du climat, du sens, et des territoires.

Ce changement de posture trouve d’ailleurs un écho croissant dans la règlementation. La norme française NFX 30-264 sur l’écoconception est en cours de révision pour intégrer la régénération. Une avancée qui apportera un cadre méthodologique plus ambitieux aux entreprises pour repenser leur chaîne de valeur.

Bravo au collectif et aux lauréats !