Design Fiction

À la découverte du solarpunk : un imaginaire désirable en temps de crise

04/07/2025

À la découverte du solarpunk : un imaginaire désirable en temps de crise

Coup d’œil sur de nouveaux imaginaires est une nouvelle rubrique du blog de la d.school Paris. Elle explore des récits alternatifs pour sortir de la crise des imaginaires : celle qui enferme nos futurs dans des visions dystopiques, technosolutionnistes ou paralysantes.

 

Face à l’urgence écologique et sociale, imaginer d’autres mondes possibles est une façon de rouvrir le champ du pensable. Pas pour fuir le réel, mais pour s’y engager autrement.

 

Le solarpunk est l’un des imaginaires les plus visibles et inspirants de ces dernières années. Ni utopie technologique, ni récit de fin du monde, il propose une vision désirable d’un futur soutenable, ancré dans la coopération, la low-tech et le vivant.

Un futur aux racines végétales

Inventé en 2008 sur un blog nommé Republic of the Bees, dans un post intitulé « From Steampunk to Solarpunk », le solarpunk apparaît d’abord comme un prolongement du steampunk, mais tourné vers le soleil plutôt que vers la vapeur. Là où le steampunk puise dans l’esthétique industrielle du XIXe siècle et l’énergie mécanique, le solarpunk s’appuie sur les énergies renouvelables et une vision du progrès fondée sur la soutenabilité.

 

Il se développe dans les années 2010 à travers des forums en ligne et des anthologies de nouvelles, comme un contrepoint aux récits sombres et désenchantés du cyberpunk. Là où celui-ci met en scène un futur ultra-technologique, individualiste et dominé par les grandes corporations, le solarpunk imagine des sociétés décentralisées, solidaires, sobres en énergie et étroitement liées à leur environnement.

 

Ce mouvement est à la fois un genre littéraire, une esthétique visuelle et un positionnement politique. On y croise des maisons bioclimatiques recouvertes de plantes, des micro-fermes urbaines, des réseaux d’énergie partagée, des vêtements réparables et des objets conçus pour durer. Le tout baigné d’une lumière douce, où la technologie est discrète, utile et accessible.

 

Mais le solarpunk n’est pas qu’un décor. Il repose sur l’idée que l’effondrement n’est pas une fatalité, et qu’un futur soutenable peut être désirable, joyeux, ancré dans des relations renouvelées entre humains et non-humains. C’est un imaginaire de la transition réussie, du monde d’après qui fonctionne, avec ses contradictions, ses tensions, mais aussi ses formes de beauté.

Une utopie lucide

Loin d’être naïf, le solarpunk reconnaît les défis écologiques, économiques et sociaux de notre époque. Il ne fantasme pas un retour à la nature, ni une fuite vers un monde parfait. Au contraire, il imagine des formes de résilience face à la crise climatique, en misant sur l’entraide, la sobriété choisie, les communs et les savoir-faire situés.

 

Dans les récits solarpunk, les conflits ne disparaissent pas. Ils changent de forme : on y parle de gouvernance horizontale, d’accès à l’eau, de réparation, de négociation entre communautés. Ce sont des récits de transformation lente, souvent à petite échelle, où l’enjeu n’est pas de “sauver le monde”, mais de le réorganiser autrement.

 

C’est peut-être là l’une des forces du solarpunk : il propose un futur habitable, pas spectaculaire. Un futur où le progrès n’est pas défini par la vitesse ou la performance, mais par la capacité à faire société dans des limites renouvelées.

Deux visions du solarpunk : entre technonature et sobriété rurale

À mesure que le solarpunk gagne en visibilité, ses représentations se diversifient, parfois jusqu’à se contredire. Deux tendances principales semblent coexister : l’une tournée vers une technologie propre, intégrée, futuriste ; l’autre ancrée dans des pratiques rurales, artisanales, frugales.

 

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=z-Ng5ZvrDm4

 

Dans la vidéo « Chère Alice », imaginée par The Line pour la marque Chobani, le futur est baigné de lumière et de technologies fluides. On y voit de grands bâtiments bioclimatiques, des matériaux translucides, des robots agricoles élégants et des interfaces invisibles. L’esthétique est lisse, presque utopique, avec une forte présence de la nature… domptée. Cette version du solarpunk conserve des marqueurs de puissance industrielle, mais en version verte.

 

Vidéo : https://www.instagram.com/la.alex.pe.deal/reel/DDAmzRYxXRC/?hl=fr

 

À l’opposé, la vidéo de Alex Jurj sur Instagram nous transporte dans un monde bien plus rustique. On y voit un futur fait de réparations, de potagers collectifs, d’objets de récup, de gestes simples. Le corps est central, le rythme est lent, les outils sont visibles, souvent manuels. C’est un solarpunk de la débrouille, du soin, de la proximité, plus proche du néo-rural que du smart grid.

 

 

Et pour le design fiction ?

En Design Fiction, mobiliser différents imaginaires permet de guider la création de scénarios en s’émancipant de nos réflexes habituels ou de notre imaginaire par défaut. Ces récits alternatifs servent de cadres de référence pour explorer d’autres façons d’habiter le monde, de produire, de consommer, de coopérer.

 

Le solarpunk peut ainsi être utilisé comme une inspiration dans un atelier : il donne un imaginaire de société, celui d’un futur résilient, soutenable, ancré dans le vivant, tout en laissant une grande liberté d’interprétation. Grâce à son univers visuel riche et accessible, il facilite la projection, stimule l’invention d’artefacts, de lieux, de modes de vie. Pour trouver des illustrations diverses, les réseaux comme Pinterest facilite grandement la tâche. Il offre un point d’appui concret pour imaginer des futurs souhaitables, sans tomber dans l’utopie ni dans la technophobie.

 

`Sources :

ARTE Tracks. « De Miyazaki à la vraie vie : le solarpunk peut‑il dépasser la fiction ? » Tracks, réalisation Hajar Ouahbi, Program 33/ARTE France, 2024. Disponible en ligne sur ARTE. 

Wikipédia. « Solarpunk », Wikipédia, l’encyclopédie libre (consulté en ligne), https://fr.wikipedia.org/wiki/Solarpunk.

Instagram. la.alex.pe.deal [@la.alex.pe.deal], compte Instagram personnel, accessible en ligne (dernier accès : juillet 2025).

D'autres articles qui vous plairont

Mastère ME310 : Bilan des projets 2024-2025

L’été arrive et nos étudiants ME310 s’en vont pour de nouveaux projets. Depuis la d.school Paris, nous vous proposons un retour sur cette année...

Mastère ME310

À la découverte du solarpunk : un imaginaire désirable en temps de crise

Coup d’œil sur de nouveaux imaginaires est une nouvelle rubrique du blog de la d.school Paris. Elle explore des récits alternatifs pour sortir de...

Design Fiction

La Conception Régénérative : concevoir avec, pour et par le vivant

Cette semaine, nous avons assisté aux Lauriers de la Régénération, organisés par le collectif Nous Sommes Vivants, qui ont récompensé 25 entreprises pionnières. Voici...

Design Soutenable